En France, il y a plus de 120 000 personnes atteintes de sclérose en plaques (SEP), une maladie inflammatoire du système nerveux central (qui comprend le cerveau, la moelle épinière et les nerfs optiques).
Qu’est-ce que la sclérose en plaques ?
Le système immunitaire du patient se dérègle et considère la myéline, la gaine de protection qui entoure les nerfs, comme un corps étranger malvenu qu’il faut combattre.
La myéline va alors se dégrader et endommager les nerfs qui conduisent l’information nerveuse aux différents organes et qui permettent au corps de fonctionner. Quand l’inflammation disparaît, cette gaine peut se réparer naturellement. On parle alors de forme récurrente-rémittente – la plus fréquente, elle représente 85 à 90 % des personnes – , avec des poussées et des périodes de rémission. Elle peut évoluer vers une forme progressive, qui est une forme d’évolution continue de la maladie. Cette deuxième forme concerne de façon primaire 10 à 15 % des personnes.
Au fur et à mesure du temps ou lors d’attaques inflammatoires importantes, cette réparation naturelle de la myéline est de plus en plus difficile, ce qui entraîne une persistance voire une aggravation des symptômes.
Concilier SEP et travail
Nombreux sont les malades qui doivent faire face au diagnostic de la maladie durant leur vie active, puisque dans 70 % des cas, la maladie débute entre 25 et 35 ans. Parmi eux, certains choisissent l’entrepreneuriat ou de valoriser leur expérience personnelle de la maladie en la transformant au service d’une nouvelle voie professionnelle.
Atteinte d’une sclérose en plaques, Delphine doit faire face aux nombreuses conséquences de la maladie, au travail mais également, dans sa vie personnelle. Certaines sont insoupçonnées, car taboues. La SEP touche le corps dans son ensemble et peut avoir des conséquences dans l’intimité.
Delphine a adapté son rythme de vie et son rythme de travail à sa maladie :
« Pour tenir le rythme, je dors beaucoup, j’ai besoin de repos fréquent, de calme. J’ai adapté mon mode de communication. Je me crée des pauses, des ruptures cognitives régulières quand je suis sur une tâche réflexive ou qui nécessite de la concentration, de l'attention. Adapter mon rythme de travail a été la clé. »
Delphine a souhaité mettre son expérience personnelle au service de son expérience professionnelle et accompagne désormais les personnes malades chroniques dans leur vie affective et leur sexualité. Nous sommes heureux de vous proposer son témoignage.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre maladie en quelques mots ?
Je suis Delphine, 43 ans, vingt ans de sclérose en plaques (SEP) au compteur. Ma SEP a été très active jusqu’à mes 30 ans avec une farandole de symptômes : troubles visuels, moteurs, sensitifs, sexuels, troubles urinaires et anorectaux, fatigue… Bref, on a commencé notre colocation sur les chapeaux de roue ! Depuis plusieurs années je suis stable ; j’en suis à mon 5e traitement de fond. Au quotidien, le plus difficile à gérer est la fatigue chronique, qui peut parfois être assommante sans raison. Des troubles cognitifs (trouble de la concentration et de l’attention soutenue) génèrent également une fatigue considérable.
Comment conciliez-vous votre maladie et votre travail ?
Après vingt ans à travailler dans le commerce et 2 licenciements pour inaptitude, j’ai décidé de me réorienter professionnellement, et d’aménager ma façon de travailler. Actuellement, je consacre un quart de mon temps au développement de mon auto-entreprise, un autre quart à ma reprise d’études. Le reste du temps, je suis salariée à mi-temps comme vendeuse. Mes santés mentale et physique me disent merci. Pour tenir le rythme, je dors beaucoup, j’ai besoin de repos fréquent, de calme. J’ai adapté mon mode de communication. Je me crée des pauses/ruptures cognitives régulières quand je suis sur une tâche réflexive ou qui nécessite de la concentration/attention. Adapter mon rythme de travail a été la clé.
Quelles difficultés rencontrez-vous ? Qu'est-ce qui vous qui vous aide ?
Malgré de nombreuses poussées motrices en début de maladie, j’ai limité les arrêts de travail car je voulais faire mes preuves professionnellement. Mais je me suis épuisée. Beaucoup de problèmes de couple ont aussi émergé du fait de troubles sexuels, car je ne savais ni les gérer ni les expliquer à mon conjoint. Me rapprocher d’une association de patients (SEP’Avenir) a été une vraie bénédiction ! Cela m’a sortie de l’enfermement, mes questions ont trouvé des réponses. C’est grâce à cette communauté que j’ai mis en place une rééducation en centre spécialisé, effectué un bilan neuropsy et découvert mes troubles cognitifs et comment y faire face. Dans mon parcours de soin, l’éducation thérapeutique a également été salvatrice, ainsi que de me rapprocher d’un réseau SEP.
Selon vous, comment peut-on améliorer l’accompagnement des salariés atteints par la SEP en entreprise ?
Tout d’abord, il faut que tout le monde parle le même langage, (r)établir la communication entre les différentes parties prenantes, afin que chacun puisse se représenter concrètement les difficultés des uns et des autres : des personnes concernées des managers qui les encadrent, des collaborateurs qui travaillent à leurs côtés, des RH. Ensuite remettre la notion de performance en perspective : avoir des troubles cognitifs, une fatigue chronique, ou être en fauteuil ne veut pas forcément dire qu’on est moins performant, mais plutôt que l’on on va continuer à être performant avec des aménagements de temps, de modalités de travail, une réorientation au sein de l’entreprise.
De votre expérience personnelle, vous avez donc fait un métier, pouvez-vous nous en dire plus ?
En vingt ans de SEP, j’ai connu de nombreuses atteintes sexuelles, urinaires, anorectales, avec une absence d’accompagnement concernant leurs répercussions sur la vie affective et sexuelle. Conséquences ? Souffrance, perte de confiance en soi, conflits au sein de mon couple, abandon de la sexualité. Aujourd’hui, j’ai à cœur de sensibiliser au sujet, pour permettre aux personnes concernées de mieux vivre les impacts de la maladie sur leur vie affective et sexuelle, et aux soignants d’être plus à l’aise sur cette thématique de prise en charge. J’ai donc repris mes études pour devenir éducatrice et formatrice en santé sexuelle et maladies chroniques.
Qu'est-ce qui vous a aidé dans la création de votre entreprise ?
La genèse de Madita, c’est avant tout des rencontres et des échanges extraordinaires avec d’autres patients confrontés à la maladie chronique (endométriose, cancers, diabète, SEP, MICI…) et des professionnels de santé. Toutes ces personnes m’ont aidée à construire mon projet, et le feront évoluer en permanence. J’ai également été accompagnée par un incubateur pendant neuf mois, ce qui m’a permis de structurer mon projet. L’opportunité de pouvoir rencontrer d’autres entrepreneures avec des parcours différents, m’a énormément apporté. Mais surtout, ce qui m’aide le plus je pense, c’est une chose très simple : je sais de quoi je parle, je l’ai vécu. Ce n’est pas juste de la théorie pour moi.
Vous êtes patiente partenaire en SEP, engagée en éducation thérapeutique du patient ou ETP, pouvez-vous nous en dire plus ?
Je suis en effet patiente partenaire SEP bénévole au service de neurologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, ainsi qu’au sein du réseau SINDEFI-SEP. Je travaille avec les infirmières de ces 2 structures à la co-construction et co-animation d’un atelier d’ETP sur le thème « SEP, vie intime, affective et sexuelle ». Ces 2 partenariats ont été une véritable chance pour moi. Ils symbolisent la synergie des compétences patient-soignant, et donc le partenariat patient-soignant. J’ai d’ailleurs obtenu mon DU de formation à l’ETP cette année à l’université des patients. Mon mémoire de stage portait sur la transversalité de la santé sexuelle en ETP. L’ETP, c’est du soin. Chaque patient devrait y avoir accès.
Si vous aviez 1 conseil ou bonne pratique à partager avec une personne atteinte par la SEP au travail ?
Tout d’abord, aucune obligation de parler de votre SEP ou de votre RQTH ! Personnellement, j’ai toujours attendu de valider ma période d’essai avant d’en parler. À retenir : le plus important ce n’est pas ce qu’on dit mais comment on le dit ! Donc exprimez-vous uniquement si vous êtes à l’aise. N’hésitez pas à vous rapprocher d’une association de patients, et d’un réseau SEP. Les 2 sont une bonne source d’informations, et les réseaux ont souvent des assistantes sociales spécialisées SEP et travail.
À une personne atteinte par la SEP qui crée son entreprise ?
Faites-vous accompagner par un incubateur ! Vraiment ! Si je n’avais qu’un conseil à vous donner ce serait celui-ci ! Il y a plusieurs autres structures qui accompagnent les entrepreneurs en situation de handicap ou de maladie (H’up par exemple). Échangez avec des patients qui se sont lancés dans l'entrepreneuriat (LinkedIn est un excellent réseau social dans ce cas).
Au manager d'une personne concernée ?
Offrez un espace de parole bienveillant et sécuritaire. Ayez bien connaissance de toutes les structures ou les services au sein de l’entreprise qui pourraient aider votre salarié•e. N’hésitez pas à proposer des réunions d’équipe informelles juste pour que votre collaborateur ou votre collaboratrice puisse échanger avec ses collègues, en toute décontraction. Les non-dits, il n’y a rien de pire dans une équipe.
À un employeur, pour favoriser l'inclusion des personnes concernées ?
La notion de performance, aujourd’hui, ce n’est plus forcément travailler au bureau de 9 h à 17 h du lundi au vendredi. Peut-être qu’une personne pourrait être tout aussi performante en venant au bureau de 12 h à 20 h, ou encore en travaillant chez elle, au calme, à son rythme. Soyez agile, ouvert d’esprit et surtout essayez ! Comme on dit qui ne tente rien n’a rien !
Quelque chose à ajouter ?
Il y a encore trois ans me lancer dans l’entrepreneuriat était impensable ! Je ne me voyais pas quitter le confort du salariat. Aujourd’hui, je ne regrette absolument pas ! Je suis tellement passionnée et alignée avec ce que je fais, je travaille à mon rythme, je gère mieux mes rendez-vous médicaux. Certes pour l’instant je gagne moins bien ma vie, mais j’ai décidé de vivre les choses un peu au jour le jour, ou année par année. Une fois mon diplôme en santé sexuelle en poche en juin prochain, je verrai ce que je fais ! Bien sûr c’est facile pour moi, je suis célibataire sans enfant. Mais n’oubliez pas que pour être un parent, un•e conjoint•e épanouie, il faut avant tout être une personne épanouie 😉. N’oubliez jamais de vous écouter, même un petit peu.
Merci Delphine pour votre témoignage.
Pour en savoir plus sur le parcours de Delphine et son activité, retrouvez-la sur Instagram et sur LinkedIn.
Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie ou du handicap au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).
Sources introduction :
– Arsep.org :
• En savoir plus sur la sclérose en plaques, Fondation Arsep, août 2020 [consulté le 24 avril 2024]
• « Définition et chiffres », mis à jour le 20 mars 2023 [consulté le 24 avril 2024]
– HAS : « La sclérose en plaques », mis à jour le 19 juillet 2006 [consulté le 24 avril 2024]
– Ministère de la Santé et de la Prévention : « Feuille de route des maladies neurodégénératives 2021-2022 », 2021 [consulté le 24 avril 2024]
– Sepavenir.org : « Qu’est-ce que la SEP ? » [consulté le 24 avril 2024]
Crédit photo : Geoffroi Caffiery
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