Dans les décennies précédentes, la danse pour les personnes en situation de handicap était souvent confinée aux ateliers de danse thérapie, visant principalement le soin plutôt que la reconnaissance artistique.
Aujourd'hui, cette perspective est en train de changer. La danse s'ouvre peu à peu à la diversité et l’inclusion, accueillant des artistes issus de toutes les sphères de la société, y compris ceux en situation de handicap. Ce mouvement vers une plus grande inclusion ne se contente pas de simplement intégrer ces artistes ; il cherche à les reconnaître et à les valoriser en tant que professionnels à part entière.
Cependant, les représentations et les préjugés restent coriaces. Malgré les progrès réalisés, de nombreux stéréotypes persistent, freinant la pleine reconnaissance professionnelle des artistes en situation de handicap.
Les personnes en situation de handicap sont souvent perçues à travers le prisme de leurs limitations plutôt que de leurs capacités artistiques. Cette vision réductrice affecte leur accès aux formations, aux auditions et aux scènes.
Magali partage :
« Pour exercer pleinement son métier de danseur professionnel, il est essentiel de pouvoir accéder à une formation adéquate. Malheureusement, les artistes en situation de handicap doivent souvent se former en autodidacte, car il n’existe pas de formation en danse inclusive professionnelle. Cette situation les place en position de fragilité technique par rapport à leurs homologues valides. »
Magali, danseuse professionnelle en situation de handicap, milite pour la reconnaissance professionnelle des artistes handicapés. Elle nous raconte son parcours, son aventure depuis la création de son entreprise, et propose des pistes de réflexion pour faire évoluer nos représentations.
Nous sommes heureux de vous proposer son témoignage.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre expérience de vie de votre handicap en quelques mots ?
Je m'appelle Magali, je suis interprète, danseuse et comédienne professionnelle. Depuis une quinzaine d'années, j'ai travaillé en France et à l'international sur divers projets artistiques inclusifs. Je milite activement pour la reconnaissance professionnelle des artistes en situation de handicap.
Je suis atteinte d'une infirmité motrice cérébrale due à une naissance prématurée. Dans mon éducation, mon handicap n'a jamais été perçu comme une contrainte extraordinaire ou négative, mais simplement comme un fait avec lequel j'ai appris à vivre. Bien que la société ait tendance à nous renvoyer à notre handicap, souvent associé à des idées préconçues, je ne me sens pas différente des autres.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
Durant une quinzaine d'années, j'ai travaillé à l'international, où j'ai eu l'opportunité de rencontrer des artistes incroyables. C'est là que j'ai découvert qu'on pouvait être danseur professionnel tout en étant en situation de handicap, une possibilité qui ne m'avait jamais été présentée durant mes études.
À mon retour en France, après des expériences enrichissantes à l'étranger, j'ai été confrontée à une dure réalité. Mon CV, bien que jugé intéressant, ne m'a pas permis d'accéder aux mêmes opportunités qu'à l'étranger. À cette époque, en France, la danse et le théâtre étaient principalement perçus sous l'angle thérapeutique, et non comme des professions à part entière pour les personnes en situation de handicap.
Pour continuer à exercer mon métier, j'ai dû retourner à l'étranger. J'ai travaillé en Grèce, en Turquie, en Indonésie et en Belgique, où j'ai rencontré des compagnies et des organisations culturelles innovantes. Ces expériences m'ont permis de découvrir des approches pédagogiques novatrices, comme la communication alternative et augmentée (CAA)*.
Aujourd’hui, vous êtes à l’initiative de 2 aventures entrepreneuriales. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pour exercer pleinement son métier de danseur professionnel, il est essentiel de pouvoir accéder à une formation adéquate. Malheureusement, les artistes en situation de handicap doivent souvent se former en autodidacte, car il n’existe pas de formation en danse inclusive professionnelle. Cette situation les place en position de fragilité technique par rapport à leurs homologues valides.
Déterminée à faire évoluer les consciences, j’ai fondé Be Together Académie, un établissement d'enseignement artistique inclusif et All Moov, une compagnie artistique inclusive, afin de défendre l'inclusion artistique et faciliter une meilleure intégration professionnelle des artistes en situation de handicap. Il ne s'agit pas seulement de rendre le plateau accessible, mais aussi de permettre à ces artistes de se former, de se perfectionner, et d'accéder aux mêmes opportunités que les autres. En faisant cela, nous espérons non seulement inciter les consciences à évoluer, mais aussi créer une véritable inclusion dans le monde artistique.
Lors des trophées H’up, vous avez été accompagnée lors de votre représentation de danse de Souffleurs d’images. Pouvez-vous nous en parler ?
Pour cette création, H’up avait pour ambition de rendre la performance accessible au plus grand nombre. Nous avons donc intégré de l'audiodescription en direct, avec la participation du service Souffleurs d’images une innovation qui permet à chacun de vivre pleinement l'expérience artistique. Se mettre à la place d’autrui permet de proposer des expériences artistiques toujours plus inclusives, innovantes et créatives.
Comment améliorer l’accompagnement des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel artistique ?
La communication autour du handicap a souvent été maladroite. Les définitions trouvées dans les dictionnaires utilisent fréquemment des termes négatifs comme "limitation", "incapacité", ou "infériorité". Ces mots véhiculent une image réductrice du handicap. Pour changer les mentalités, il est crucial de repenser la manière dont nous parlons du handicap.
Pour un chorégraphe ou un metteur en scène, travailler avec un artiste en situation de handicap ne se limite pas à valoriser les aspects positifs. Il est crucial de comprendre et de répondre aux besoins spécifiques liés à la pathologie de l'artiste. Cela peut inclure des aménagements adaptés, comme la présence d'une auxiliaire de vie, des solutions de transport pour éviter la fatigue, ou encore la mise à disposition de traducteurs ou d'interprètes pour les artistes sourds, malentendants, ou non verbaux. Ainsi, cela demande au porteur de projet de bien comprendre les enjeux lorsqu'il s'engage à travailler avec un artiste différent.
Que diriez-vous à une personne en situation de handicap qui hésite à se lancer dans la danse ?
La pratique de la danse seule ne suffit pas. Il est essentiel de développer son regard et sa sensibilité artistique en tant que spectateur, et de se rapprocher de structures inclusives. Il est également important de distinguer la danse-thérapie de la danse inclusive, qui sont deux approches distinctes.
Pour ceux qui souhaitent devenir professionnels, je conseille de ne jamais abandonner leur pratique, de continuer à observer des spectacles et de surtout s'ouvrir à l'international. Partir à l’étranger permet non seulement de se former, mais aussi de découvrir des pédagogies artistiques innovantes. Mon expérience à l'étranger a été une source de richesse inestimable, et elle a profondément influencé ma vision du métier.
Enfin, il ne faut pas avoir peur d'aller à la rencontre des autres et de créer sa propre méthodologie. Il est crucial de se rappeler pourquoi on danse, ce que l'on souhaite exprimer et pourquoi la scène est un vecteur essentiel pour partager cette expression.
Merci Magali pour votre témoignage.
Pour en savoir plus sur les projets de Magali, découvrez Be To Together et All Moov
Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie ou du handicap au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).
*« La communication alternative et augmentée (CAA) offre un ensemble d’outils et de stratégies pour compenser ou remplacer la communication orale d’une personne présentant des troubles de la parole, du langage, de la compréhension écrite et orale. Le terme « alternative » signifie que les personnes qui ne disposent pas du tout du langage oral ont besoin de solutions alternatives à la parole, c’est-à-dire d’aides techniques qui la remplacent. Elles leur permettent de communiquer différemment. Le terme « améliorée » signifie qu’une personne qui n’arrive pas suffisamment à se faire comprendre par les autres a besoin d’utiliser des solutions de communication qui complètent, améliorent la parole afin de rendre son message plus compréhensible. » source : monparcourshandicap.gouv.fr
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