« Il faut faire de la prévention, de la sensibilisation. C'est important de pouvoir faire attention aux différents signes de l'infarctus. »
Aujourd’hui c’est la journée du cœur.
Les maladies cardiovasculaires concernent de nombreux hommes mais aussi de nombreuses femmes. Le saviez-vous ? Elles sont la principale cause de décès chez les femmes en France. Sur les 147 000 personnes qui décèdent chaque année en France d’une maladie cardiovasculaire, 54 % sont des femmes. Et contrairement aux idées reçues, le nombre de décès dûs à l’infarctus du myocarde est plus élevé chez les femmes que les hommes.
À cette occasion, Sabrina partage son témoignage. Elle nous fait part également de la nécessité de la prévention des maladies cardiovasculaires et de l’importance de l’accompagnement.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre expérience de vie de la maladie en quelques mots ?
Sabrina j’ai 41 ans, je suis mariée depuis vingt ans à Jean-François. Je suis maman de deux filles, Laly qui a 19 ans et Elza qui a 15 ans. J’habite à la frontière franco-belge. Je suis caissière, employée polyvalente, pour un magasin en Belgique. J’ai eu un infarctus du myocarde avec une rupture de l’interventriculaire.
Comment avez-vous découvert votre maladie ?
Dans la nuit du 28 au 29 janvier de cette année, je me suis réveillée soudainement avec des douleurs vives dans l’arrière du dos entre les deux omoplates, avec un mal de ventre. Je vomis le café que je venais de boire et je ressens des fourmillements dans la mâchoire. Aussitôt, je pense à mon cœur, ma sœur étant décédée dans les mêmes circonstances. Jean-François a réagi rapidement, en appelant le Samu et en utilisant les termes appropriés pour décrire la situation, car nous les femmes ne sommes pas encore suffisamment prises au sérieux concernant les maladies cardiovasculaires.
Arrivée à l’hôpital pour passer un scanner, je fais une 2e attaque et je suis emmenée à Lille à l’Institut Cœur Poumon rapidement. J’y arrive en moins de six minutes. J’ai eu beaucoup de mal à accepter la situation. J’étais à l’hôpital comme on y va pour un ongle incarné. Je voyais tout le monde s’affoler autour de moi, des médecins, des fleurs… J’étais dans le déni total, car je ne voulais pas rapprocher cet événement du décès de ma sœur.
Comment s’est déroulée votre période de convalescence ?
3 jours de soins intensifs, 3 jours d’hospitalisation, le rétablissement à la maison s’en est suivi et finalement je me suis rétablie assez rapidement.
En tant que frontalière travaillant en Belgique, je suis prise en charge par la Sécurité sociale et une mutuelle françaises pour les soins et les frais d’hospitalisation. Mes frais d’indemnités journalières sont réglés par la mutuelle belge à laquelle je cotise tous les mois et tous les ans. J’ai été prise en charge par le CHU de Lille, qui était le plus proche.
L’accompagnement de l’entourage professionnel pendant l’hospitalisation a été important car c’est 70 % de notre vie quand on est jeune actif. J’ai eu des patrons et des collègues conciliants, présents, adorables, empathiques.
Le retour à la maison a été très difficile. Dans ma tête j’étais un lièvre et dans mon corps j’étais une tortue. La fatigue était très présente. Je donne un exemple : tous les matins, comme tout le monde, je me lève, j’ouvre mon lit et la fenêtre pour aérer. Eh bien ! j’aurais pu me rallonger et me rendormir car le fait de faire ce geste me fatiguait déjà énormément. Cette fatigue permanente a duré un à deux mois. Début avril je suis rentrée en rééducation cardiaque à la clinique de la Mitterie et j’en suis sortie le 25 mai.
Comment s’est passé le retour au travail ?
Le 1er juin, j’ai repris le travail parce que j’en avais besoin. J’avais ce besoin psychologique d’arrêter d’être une patiente, d’arrêter d’être une malade. J’avais besoin d’être dans l’action. Le retour s’est passé formidablement bien. La mutuelle et mes patrons m’ont demandé si je souhaitais des aménagements spécifiques. J’ai simplement demandé à réduire mon temps de travail.
Concernant les tâches quotidiennes professionnelles, j’ai repris progressivement grâce à la présence de certains collègues et de mes patrons qui anticipaient mes mouvements. Je suis à la caisse, mais je porte aussi des cartons, je vends sur les étals du fromage, de la viande… Au bout de quinze jours-trois semaines, je suis revenue à un rythme normal.
Et après ?
Actuellement je fais encore attention aux charges lourdes car j’ai encore des douleurs musculaires au niveau thoracique. Même si on sait que c’est positionnel et musculaire, cela fait peur. Le corps garde une mémoire traumatique. Tout a été fait et adapté pour que je ne me retrouve pas à porter de charges lourdes. Je manque également de souffle parfois. J’essaie de mener une vie classique avec 53 % de mes capacités cardiaques. Mais ça va. À part ça, je suis fatiguée après une grosse journée de huit heures de travail comme tout le monde.
Mis à part cette réorganisation du travail, qu’avez-vous changé dans votre quotidien ?
Maintenant je vis avec cette maladie chronique. C’est la prise de 9 cachets par jour. Cela suppose une réorganisation. Le matin je me lève plus tôt pour avoir le temps de petit-déjeuner pour prendre mes cachets avant d’aller travailler. J’ouvre le magasin à 6h45. Il est hors de question pour moi de prendre mes médicaments au travail et que je montre de cette façon que je suis malade. Il y a des gens pour qui c’est pire que moi, d’autres pour qui c’est mieux que moi. C’est ma façon de dompter la maladie, et elle m’est propre, j’insiste sur ce point. Une maladie chronique, c’est difficile, j’apprends à vivre avec.
Au travail, hormis la limitation du port de charge, la présence de la maladie dans la vie de tous les jours se limite à la présence d’un médicament vasodilatateur dans mon sac, qui en cas d’infarctus pourrait me sauver la vie. J’ai prévenu mes collègues que si je tombais, elles devaient le chercher dans mon sac.
Et quand je pars en vacances, je dois penser au nombre de médicaments nécessaires pour la période d’absence, j’emporte avec moi une trousse à pharmacie bien garnie :)
En Belgique, comment cela se passe, il y a aussi la possibilité de faire un temps partiel thérapeutique ou de demander une reconnaissance de handicap au travail ?
Oui cela existe. C’est pris en charge par la mutuelle. Il y a un bon accompagnement en Belgique, mais je n’ai pas souhaité bénéficier de ce dispositif. C’est un choix très personnel. Il existe également une reconnaissance de handicap au travail mais je ne me suis pas renseignée car je n’en ai pas l’utilité pour le moment. Je suis bien accompagnée et cela me suffit pour l’instant.
Qu'est-ce qui vous a aidé dans cette situation ?
La présence de mes patrons et de mes collègues. Dans une telle situation, on aspire à retrouver sa vie classique, son quotidien, son rythme métro-boulot-dodo. Quand tout est normal dans ta vie, c’est que tout va bien. À partir du moment où tout s’arrête du jour au lendemain c’est qu’il se passe quelque chose de grave. J’aspirais à retrouver mes clients, mes habitudes. Revenir m’a fait un bien fou, j’ai été entourée d’une telle bienveillance.
J’ai vécu quelque chose de difficile, j’arrive à en parler désormais, mais c’était très compliqué, j’en ai pleuré et fait des crises d’angoisse. La rencontre du Professeur Mounier-Vehier et de son association Agir pour le cœur des femmes a été salvatrice.
Il y a beaucoup à faire encore en matière de prévention. J’ai témoigné pour l’association et j’essaie de contribuer à la prévention à mon échelle. Je suis l’archétype même des personnes pour lesquelles on ne soupçonne pas l’infarctus : 40 ans, taille 38, je fais du sport, je fumais 3 cigarettes par jour, jusqu’à 5 maximum quand j’étais énervée, je ne bois pas d’alcool.
Si mon mari, du même âge et de taille équivalente pour un homme, arrive aux urgences avec des douleurs, on lui posera un électrocardiogramme en moins de vingt minutes.
Ma sœur avait 36 ans. Une fois arrivée aux urgences, on lui a demandé si elle était stressée, angoissée, fatiguée, dépressive. Elle est restée cinq heures dans une salle d’attente. Si je peux répondre à des questions, témoigner, faire du bruit sur ces questions-là, je le fais. Les femmes qui m’auront entendu au moins une fois, sauront qu’il faut faire attention à tel ou tel symptôme.
Selon vous, comment peut-on améliorer la prévention des maladies cardiovasculaires en entreprise ?
Il faut faire de la prévention, de la sensibilisation. C’est important de pouvoir faire attention aux différents signes de l’infarctus. Par exemple, par une petite pub dans la salle de pause, avec des informations très simples.
En général, quand on parle d’infarctus, on pense à un homme de 50-60 ans en surpoids qui fume et qui mange des frites. En réalité, la plupart des symptômes sont différents pour les femmes et les hommes. Les femmes sont sujettes à un étourdissement ou à une grande fatigue. Les étourdissements, les vomissements, les maux de ventre peuvent être des signes.
Si vous aviez 1 seul conseil ou bonne pratique à partager pour mieux concilier maladie et travail, lequel ?
S’écouter. C’est valable pour tout.
C’est peut-être facile pour moi de vous dire ça car j’ai eu la chance d’être bien entourée. Tout le monde n’est pas accompagné comme j’ai pu l’être. Si tu penses que tu as besoin d’avoir un mi-temps thérapeutique, tu le demandes.
Et puis accompagner les personnes psychologiquement, et se faire accompagner si on est concerné. Pouvoir gérer mon angoisse et mon stress a été très important pour moi. Quand tu es à l’hôpital, tu es branchée, tu te dis que s’il t’arrive à nouveau quelque chose tu es sur place… Je n’avais qu’une envie c’était de rentrer chez moi, d’être auprès de mes proches : de plonger la tête dans les cheveux de mes enfants pour sentir leur odeur... Mais la première nuit, quand tu as eu un problème cardiaque dans ton lit, dans ta chambre, dans ta maison, c’est compliqué. Le retour à la maison était accompagné de choses que je ne connaissais pas : les crises d’angoisse. L’accompagnement psychologique et la sophrologie m’ont beaucoup aidée.
Merci Sabrina pour votre témoignage !
Pour en savoir plus, découvrez les fiches pratiques d’Agir pour le cœur des femmes.
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