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pour ré-concilier maladie et travail ?

La vie professionnelle après un AVC, dans la fonction publique

Dernière mise à jour : 17 avr.


Le saviez-vous ? En France, 155 000 personnes par an sont touchées par un AVC. C’est la première cause de handicap acquis chez l’adulte – 1 AVC sur 2 entraîne un handicap moteur ou un trouble du langage – et c’est la première cause de décès de la femme dans le monde.

Le diabète, l’hypertension artérielle et la fibrillation auriculaire, plus importants chez les femmes, notamment pendant la grossesse et les traitements hormonaux, sont des facteurs de risque fréquents même plusieurs années après les grossesses. Des facteurs socioculturels peuvent également entrer en jeu dans la prévention et la prise en charge des AVC au féminin : différence et minimisation des symptômes, retard de diagnostic, difficultés d’avoir un traitement adapté…

Les personnes actives touchées par un AVC représentent autant de situations différentes au travail qui nécessitent un accompagnement ou un aménagement. En effet, bien que l’âge moyen de survenue d’un accident vasculaire cérébral ou AVC soit de 74 ans, cela concerne également une population plus jeune et active, une incidence en augmentation.

Aujourd’hui, nous avons souhaité partager avec vous le parcours de Margot, fonctionnaire de l’Éducation nationale, touchée par un AVC il y a quatre ans.


Pour elle :

« Il y a énormément de choses à améliorer dans la fonction publique. [...]
Avoir un rendez-vous pour monter des dossiers médicaux pour le retour à l’emploi est une épreuve psychologique car tout est infiniment compliqué. »

Nous sommes ravis de partager ici son témoignage.




Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre maladie en quelques mots ?


Je m’appelle Margot Turcat, j’ai 37 ans, je suis professeur d’arts plastiques certifiée en collège, créatrice du compte Instagram « Mon Petit AVC » et autrice de la BD du même nom publié chez Larousse Pratique.





J’ai été victime d’un AVC à 33 ans qui m’a laissée handicapée. Je suis atteinte d’aphasie (qui est trouble du langage affectant la lecture, l’écriture, la compréhension et la parole dans mon cas) et de divers handicaps invisibles comme les douleurs neuropathiques, une apraxie du discours, des troubles cognitifs associés, une immense fatigabilité et des crises de mutisme.


Je n’avais strictement aucun facteur de risques qui pouvait présager que je pourrais avoir un AVC si jeune mais une malformation cardiaque congénitale appelée foramen ovale perméable (FOP) qui a laissé passer un caillot qui est remonté dans mon cerveau et fait des dégâts. J’ai été victime d’une mauvaise prise en charge et ai mis quasiment quatre heures à être évacuée au CHU donc aujourd’hui je milite aussi avec mon amie Jessica du compte Instagram « Pour campagne AVC » pour la mise en place d’une campagne nationale de sensibilisation et de prévention sur l’AVC.

Comment avez-vous concilié votre handicap et votre travail ?


J’ai très vite ressenti le besoin de retravailler. Alors que j’étais en soins intensifs depuis quelques heures, j’ai demandé à mon conjoint de retrouver dans mes archives ma RQTH (reconnaissance en qualité de travailleur handicapé) que j’avais obtenue suite à une dépression sévère que j’ai vécu entre 2010 et 2016. Je me souvenais que ce document courait jusqu’à mi 2019 et que cela serait mon 1er sésame pour revenir dans le monde du travail.

J’ai été en CLM (congé longue maladie) pendant trois ans mais j’ai commencé les démarches pour retravailler 18 mois après mon AVC en juin 2020 (en plein entre les 2 confinements) et j’ai mis près de 21 mois à obtenir ce droit de retravailler.

Aujourd’hui, je travaille au CNED (Centre national de l’Éducation à distance) en tant que professeur correcteur en arts plastiques en PACD (poste adapté de courte durée) jusqu’à la fin de l’année scolaire 2023/2024. Je demanderai ensuite un PALD (poste adapté de longue durée) pour les quatre ans à venir.


J’ai l’immense chance de pouvoir bénéficier de ce dispositif qui me permet de travailler de chez moi à corriger des copies internet et des copies papier. Je peux articuler les temps de correction autour de mes besoins de repos. Je corrige énormément les 3 premiers jours de la semaine à raison de 4 h / jour minimum (ce qui peut paraître dérisoire vu d’un œil extérieur) et je me dégage du temps en fin de semaine pour traiter le volet administratif lié au CNED les jeudis et vendredis (c’est-à-dire contacter les conseillers de scolarité quand je sens un élève en difficultés et expliquer quels sont les soucis rencontrés).

Quelles difficultés avez-vous rencontrées  ? Qu'est-ce qui vous aide ?


J’ai bénéficié pour entrer au CNED de ce qu’on appelle l’OTT (occupation à titre thérapeutique) de février à juillet 2021, ce qui m’a permis d’appréhender le travail demandé.

Le 1er souci que j’ai rencontré, c’était l’isolement. Je ne pouvais pas assister aux réunions des professeurs d’arts plastiques titulaires au CNED afin de me faire aider par mes pairs donc j’ai dû trouver des solutions toute seule. Heureusement, le monde des professeurs d’arts plastiques n’est pas si vaste et j’ai pu avoir des contacts avec des enseignants qui ont pu m’aider par capillarité.



Le 2e souci, c’était la non compréhension de mes troubles. Je pense qu’il y a eu un « couac » lors de la mise en place de mon OTT et on n’a pas compris que je ne pouvais pas écrire facilement à la main. J’étais beaucoup plus à l’aise pour corriger sur un ordinateur (car il y a un correcteur orthographique, que je peux revenir facilement sur mes écrits en cas d’erreur, que j’étais moins fatiguée pour taper sur un clavier et surtout mon aphasie a impacté ma capacité à écrire à la main). Or, on m’a envoyé un jour un paquet avec 50 copies papier (qui en plus s’était perdu par la poste donc il ne me restait plus que 2 jours pour corriger). Sachant qu’il faut compter 15 min/copie, il fallait que je travaille l’équivalent de treize heures en deux jours… Ce qui était énorme pour moi ! J’ai eu tellement peur de perdre la possibilité de travailler au CNED si je ne respectais pas cette mission que je me suis épuisée pour poster ces 50 copies en temps et en heure.

Fort heureusement, j’y ai vu du positif : même si cela avait été très difficile, j’avais réussi à écrire des appréciations correctes et cela m’a prouvé que je pouvais aussi corriger des copies papier. J’ai donc demandé qu’on m’envoie quelques copies papier par semaine et je voyais cet exercice comme un nouvel exercice de rééducation et un cap à franchir !


Aujourd’hui, je suis titulaire d’un poste au CNED donc je peux bénéficier du soutien et de l’aide de mes collègues (qui, je tiens à le préciser, sont formidables et toujours prompts à tendre la main) et du personnel du CNED.

Selon vous, comment peut-on améliorer l’accompagnement des personnes malades dans la fonction publique ?


Il y a énormément de choses à améliorer dans la fonction publique.

Peu de gens savent qu’il n’y a que 65 médecins du travail dans l’Éducation nationale pour gérer l’ensemble des enseignants du 1er et du 2nd degrés en France.


C’est-à-dire qu’il y a un médecin pour près de 18 500 enseignants !! Avoir un rendez-vous pour monter des dossiers médicaux pour le retour à l’emploi est une épreuve psychologique car tout est infiniment compliqué. J’ai mis 21 mois à obtenir le droit de retravailler avec des dossiers incroyables à compléter. Certains dossiers m’ont demandé jusqu’à 7 heures de travail par jour pour réunir tous les documents demandés !! Je ne comprends pas que cela soit aussi compliqué et coûteux pour les personnes en situation de handicap. Au lieu de nous tendre la main pour nous aider à regagner le monde du travail, on nous écrase sous une paperasserie qui n’en finit jamais.

J’ai aussi pu constater que les agents administratifs étaient eux-mêmes dans le flou face à certaines démarches, mais aussi qu’ils étaient de moins en moins nombreux pour gérer de plus en plus de dossiers. Cela peut malheureusement mener à des erreurs de procédures préjudiciables qui peuvent entraver le retour à l’emploi. De plus, pour avoir le droit de retravailler, il a fallu que je passe par une assistante sociale, un CMC (conseiller mobilité carrière), le service SARH (service d’appui aux ressources humaines) du rectorat, la DPE (direction des personnels enseignants), le médecin de prévention puis le centre de réadaptation pour l’emploi de la MGEN… Comment s’y retrouver ?!


J’ai trouvé que ce volet administratif était particulièrement éprouvant psychologiquement car j’ai vécu comme une humiliation de devoir prouver à maintes reprises que j’étais réellement handicapée.

Pour qui ne connaît pas les séquelles de l’aphasie et le monde de l’AVC, on pourrait imaginer à l’issue d’une rencontre que je peux enseigner en présentiel face à des élèves. Or, c’est déjà méconnaître la réalité de ma profession : j’avais tous les ans 19 classes, soit près de 580 élèves, donc quasiment 1 740 bulletins à remplir tous les ans, des milliers de travaux à corriger. Le cours d’arts plastiques n’est pas un cours magistral où on reste assis à son bureau pour expliquer le travail. J’ai toujours conçu mon cours comme un atelier avec des temps d’explications suivis de moments de pratique avec des échanges entre élèves, de discussion autour de créations plastiques etc. C’est un cours très vivant avec du bruit (ce qui peut me déclencher des crises de mutisme) dans lequel l’enseignant doit être en vigilance constante car des outils dangereux peuvent être utilisés (cutters, pistolets à colle…) tout en circulant dans les rangs pour aider les élèves.

Et ça, je n’en suis plus capable. J’ai une capacité de concentration réduite avec une très grosse fatigabilité au bruit.

Je ne peux malheureusement plus enseigner face à des élèves non pas par manque de volonté ou d’envie (car j’en rêverais !) mais par la réalité de mes séquelles.

Si vous aviez 1 conseil ou bonne pratique à partager ?


Je pense qu’il faut considérer la personne handicapée comme un être humain qui a un vécu au-delà de sa maladie ou de son handicap.

Nous avons des aptitudes et des envies que le handicap n’entrave pas. Chacun doit avoir la chance de pouvoir retravailler comme un valide.

En ce qui me concerne, j’ai réalisé que mes séquelles m’ont apportées une vision plus réaliste sur les troubles de certains de mes élèves. Pour les vivre désormais, je comprends beaucoup mieux ce que ressentent les élèves dyslexiques, dyspraxiques ou dysgraphiques. J’ai vécu trente-trois ans sans ces troubles et je les expérimente depuis quatre ans, ça a radicalement changé mon approche de l’enseignement.



Le handicap n’est pas un frein au travail, il peut aussi être une ouverture d’esprit.





Merci Margot pour votre témoignage.



Pour en savoir plus sur le parcours de Margot, découvrez son livre Mon Petit AVC


Vous êtes patient ? aidant ? manager ? professionnel des ressources humaines ?

Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.


Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).


 

Crédit photo : Tous droit réservés Margot Turcat

Illustrations : © Mon Petit AVC – Margot Turcat


Sources introduction :


– Fondation de recherche cardio-vasculaire : « Accident vasculaire cérébral : les femmes en ligne de mire » [consulté le 10 mars 2023] ;


– Santé publique France : « Dossier thématique : l’accident vasculaire cérébral », mis à jour le 17 juin 2019 [consulté le 10 mars 2023] ;


– Inserm : « Accident vasculaire cérébral (AVC) – La première cause de handicap acquis de l’adulte », mis à jour le 13 mai 2019 [consulté le 10 mars 2023] ;


« L’accident vasculaire cérébral, une (autre) inégalité homme-femme ? », 6 septembre 2017 [consulté le 10 mars 2023] ;


– Societe-francaise-neurovasculaire.fr : « Journée mondiale de l’AVC » [consulté le 10 mars 2023].


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