En France, selon le baromètre T10 réalisée par Opinion Way, 34 % des salariés seraient en burn-out, et parmi eux 13 % en burn-out qualifié de « sévère » (soit plus de 2,5 millions de personnes).
Qu’est ce que le burnout ?
Le burnout ou le syndrome d'épuisement professionnel n'est pas simplement une question de fatigue passagère. C'est un état d'épuisement émotionnel, mental et physique profondément enraciné, qui peut affecter n'importe qui, quel que soit son secteur professionnel ou son statut hiérarchique. C’est un processus se traduisant par [1] :
un épuisement émotionnel ou physique : perte de motivation, fatigue, irritabilité, se sentir « vidé »…
une dépersonnalisation : des attitudes de mise à distance et à des attitudes négatives envers les autres et son travail
une baisse du sentiment d’accomplissement personnel : sentiment d’inefficacité, de dévalorisation, de baisse de la motivation et de l’estime de soi.
Le burnout est à distinguer de la dépression. Cette dernière touche à la sphère du privé, alors que le burnout est spécifique à la sphère du travail ; même si l’épuisement professionnel est composé de l’ensemble des symptômes de l’état dépressif.
Quelles causes ?
Le syndrome d’épuisement professionnel est le résultat d’un grand nombre de stresseurs. La surcharge de travail, les conflits de rôle, le manque de contrôle, les récompenses insuffisantes, la rupture de la communauté, l'absence d'équité ou encore les conflits de valeurs [2] ont été identifiés comme les principales causes de l’épuisement professionnel. De plus, des facteurs individuels peuvent également contribuer au développement du burnout chez les individus.
Pour Aurélie :
« Mon épuisement professionnel ne s’est pas manifesté un beau jour. Sa mise en place a été longue et progressive. »
Aurélie a été touchée par le burnout il y a plusieurs années. Elle nous partage son expérience du syndrome d’épuisement professionnel mais également son aventure entrepreneuriale et la façon dont elle a su se relever.
Nous sommes donc ravis de partager ici son témoignage.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Aurélie. J’ai 50 ans. Je suis cheffe d’entreprise et heureuse de l’être. J’aime dessiner, jardiner, cuisiner, participer, aider, contribuer… : je suis une grande créative. C’est d’ailleurs en partie pour cela que je fais mon métier. Je suis Designer de communication, en indépendante. Je conçois et mets en place les outils de communication pour servir un but stratégique.
Vous avez été touchée par l’épuisement professionnel. Pouvez-vous nous en parler ?
Mon épuisement professionnel ne s’est pas manifesté un beau jour. Sa mise en place a été longue et progressive. Dans un premier temps, je me suis rendue compte que j’avais de plus en plus de mal à parler positivement de mon travail et de mes relations de travail.
J’ai fini par ne plus du tout voir de sens dans mon travail. Les missions sous-jacentes de mon job étaient de servir le bien commun, de transmettre les bonnes informations, de mettre en valeur des actions afin qu’elles puissent servir le plus grand nombre et puis … tout s’est brisé. Un profond sentiment d’inutilité m’a envahie.
Les signes avant coureurs étaient présents : « boule au ventre » chaque jour, fatigue, indifférence…
En arrêt, j’avais besoin d’un fort repli sur moi-même. J’ai vu et échangé avec très peu de personnes. Le fait de « devoir » retourner au travail me mettais dans de grandes souffrances puisque j’en étais incapable. J’ai beaucoup pleuré, fait des cauchemars… J’ai beaucoup dormi, pour récupérer de cette grande fatigue émotionnelle. Je suis sortie dans la nature pour essayer de reprendre goût à la vie. J’ai discuté avec des amis proches, des personnes touchées.
Comment avez-vous concilié votre épuisement professionnel et votre travail ?
Dans un premier temps, je n'ai pas voulu reconnaître que j’étais touchée.
Je me suis détachée petit à petit (pendant des mois), j’ai arrêté de donner mon avis, j’ai souffert d’une impression d’être mise de côté, de n’être là que pour répondre à une fonction et de devoir taire mon avis, mon expertise, mes insatisfactions, mon sentiment d’injustice, ma perception des manques à combler… J’ai eu la sensation profonde d’être inutile, d’être absente tout en faisant mon travail. J’avais la boule au ventre même en télétravail. Une sensation d’oppression dont j’avais parlé à mon encadrement en exprimant un besoin urgent de solution. J’ai fini par écouter mes proches et surtout une spécialiste de la question et je suis allée voir mon médecin.
J’ai tenté de reprendre le travail après trois semaines d’arrêt en me disant que j’étais assez forte pour le faire. Je me suis sentie vide au bout de quelques minutes. Je n’avais plus de jus, d’énergie. Je me suis dit « c’est fini ».
Mon médecin m’a posé la question de mon retour au bout de trois mois et j’ai eu une crise d’angoisse terrible. Une profonde sensation de danger m’a envahie. Cela m’a mise devant l’impossibilité de retourner à mon travail et de devoir trouver une issue différente.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Qu'est-ce qui vous a aidé ?
Reconnaître cet état a été très difficile. Au début, mon entourage et ma famille n'ont pas pu m’aider car je ne voulais pas leur montrer mon état de souffrance. Je pleurais une fois seule.
J’ai mis beaucoup de temps à m’octroyer le droit de dormir le matin, de faire la sieste, de répondre à mes besoins personnels.
Je suis allée voir une psychologue du travail au bout de deux mois et demi d’arrêt. Cela m’a vraiment aidé à prendre du recul et à me recentrer. J’avais refait mon CV quelques temps avant mon arrêt et postulé ailleurs. Je suis partie de cette base pour me poser des questions fondamentales : qu’est ce que j’aime faire dans la vie, pourquoi j’ai mis de côté une des choses que j’aime le plus faire dans la vie (dessiner), dans quoi je suis forte… Je me suis remise à dessiner.
Qu'est-ce qui vous a donné envie d'entreprendre ?
J’ai eu envie de me « mettre à mon compte » plusieurs fois. J’ai eu la trouille et j’ai laissé tomber.
Finalement, c’est le challenge qui m’a poussée à entreprendre. L’envie de me prouver à moi-même que j’ai de la valeur, que je peux oser, que je peux trouver un travail qui a du sens pour moi, que je peux choisir avec qui je travaille. En somme un changement de prisme global.
Le changement de posture entre le salariat et l’entrepreneuriat est important. J’apprends à l’acquérir car tous les jours je dois prendre des décisions pour mon activité. Personne ne les prend pour moi. J’avance pas à pas !
Selon vous, comment peut-on améliorer l’accompagnement au travail des personnes touchées par l'épuisement professionnel ?
J’y ai réfléchi à cette question et je n’ai pas de solution wahou. Un combo de mille choses ?
Former les managers à la détection et aux actions à mettre en place rapidement. Leur dire qu’il est nécessaire que les actions soient consenties. Pour moi un manager est empathique et sait le montrer. Il/elle doit accompagner, mettre en avant ses collaborateurs, leur faire confiance, les laisser agir seuls, leur prouver tous les jours qu’ils ont de la valeur, les mettre en lumière.
Écouter et lire des témoignages pour relativiser et savoir qu’il y a une issue positive.
Éviter de stigmatiser la personne et d’avoir des jugements hâtifs sans se renseigner.
Laisser du temps : éviter de mettre la personne dans une position de « rendement » dès les premiers jours de son retour. Construire avec elle son retour au travail.
Si vous aviez 1 seul conseil ou bonne pratique à partager :
Avec une personne touchée par l'épuisement professionnel pour mieux concilier maladie et travail ?
Pense à toi, à tes besoins, à tes envies, à ce qui te permet d’avancer et pour cela fais toi accompagner.
Avec le manager d'une personne concernée ?
Être empathique et contribuer à trouver des solutions rapides. Si tu prends des initiatives, vérifie qu’elles sont acceptées par l’autre. Parle-en à ta RH et préviens la médecine du travail : il y a des personnes qualifiées pour accompagner et des dispositifs de prise en charge (accord d’entreprise, mutuelle, protection sociale…).
Avec un employeur d’une personne concernée ?
Est-ce que tu sais ce que c’est le burn-out ? Est-ce que tu sais ce qu’il faut mettre en place lorsque tu détectes du mal être au travail ? Qu’est ce que tu mets en place tous les jours pour que tes salariés se sentent en confiance et bien dans leur peau ?
Parles de ce sujet avec tes salariés et mets en valeur les solutions que tu y apportes.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Tu peux et tu vas t’en sortir ! Le chemin sera long et tu as envie qu’il soit court. Tu vas peut-être avoir des troubles physiques (appétit, sommeil, mémoire…). Les miens ont fini par disparaître.
Je reste hypersensible… mais je l’ai toujours été. Aujourd’hui je le reconnais et je l’accepte. C’est une force. Nous sommes bardés d’émotions et c’est cela qui fait notre humanité.
Sache que nous sommes nombreux comme toi. Nous mettons une très grande importance dans ce que nous entreprenons pour notre travail et beaucoup de valeurs. Tu vas apprendre à les respecter pour ton bien-être. Bonne route !
Et enfin, j'aimerais qu’un jour le burn out soit reconnu comme une maladie professionnelle.
Merci Aurélie pour votre témoignage !
Vous êtes patient ? aidant ? manager ? professionnel des ressources humaines ? Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).
Sources et informations complémentaires :
[1] Maslach C. et Jackson S.E. (1981). The measurement of experienced burnout, Journal of Occupational Behavior, 2, 99-113.
Maslach et Jackson (1981) propose une définition du syndrôme qui « apparaît chez les individus impliqués professionnellement auprès d’autrui ». Cette notion évoluera par la suite et s’élargira à l’ensemble des individus au travail.
[2] Maslach, C., et Leiter, M.P. (1997). The Truth about Burnout : How Organizations Cause Personal Stress and What to do About it. San Francisco : Wiley.
Maslach et Leiter (1997) proposent de classer en 7 catégories les causes du burnout :
la surcharge de travail, qualitative et quantitative.
le conflit de rôle : être confronté à des demandes ou des attentes contradictoires ou ambiguës dans le cadre de son travail.
le manque de contrôle : l'incapacité à fixer ses propres priorités, à choisir la manière de réaliser ses tâches, à participer à la prise de décisions liées à son travail ou à avoir un certain degré d'autonomie.
des récompenses insuffisantes : lorsque les efforts et la performance d'un individu ne sont pas suffisamment reconnus ou récompensés au sein de son environnement professionnel. Ces récompenses peuvent être à la fois intrinsèques (telles que la satisfaction personnelle liée au travail) et extrinsèques (telles que la rémunération, la promotion, la reconnaissance publique, etc.).
la rupture de la communauté : les relations sociales au sein d'un environnement de travail se détériorent ou deviennent moins favorables. Cela peut se manifester par un manque de soutien social, un isolement, des conflits interpersonnels fréquents ou une atmosphère de travail tendue.
l’absence d’équité : les employés perçoivent un manque de justice ou d'équité dans les processus et les résultats liés à leur travail.;
les conflits de valeurs : les valeurs personnelles d'un individu entrent en conflit avec les valeurs ou les normes de l'organisation pour laquelle il travaille
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