Les managers de proximité jouent un rôle clé dans la prévention de la santé au travail et dans l’accompagnement des collaborateurs touchés par la maladie.
Accueillir la nouvelle, instaurer le dialogue, être à l’écoute des besoins et des attentes de la personne, co-construire le plan de continuité de l’activité en cas d’arrêt longue durée et co-construire le plan de reprise, garder le lien pendant l’absence… sont autant de bonnes pratiques qu’un manager peut mettre en place pour accompagner un membre de son équipe confronté à la maladie.
Ce soutien est en effet essentiel.
Pour Laure :
« Nous avions aussi beaucoup parlé ensemble de la réorganisation durant mon absence. Isabelle a été présente à toutes les étapes de la maladie, de la phase du diagnostic à la reprise du travail. Pour moi, il était important de ne pas couper complètement avec le travail. »
Laure est touchée par un cancer du sein en 2021. Elle l’a annoncé à Isabelle, sa manager, avant même la confirmation du diagnostic. Les deux femmes nous offrent une interview croisée et partagent leur expérience de la maladie au travail : Laure en tant que collaboratrice touchée par la maladie et Isabelle en tant que manager accompagnant sa collaboratrice et le collectif de travail dans cette période difficile.
Nous sommes donc ravis de partager ici leur témoignage.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et quel est votre lien avec la maladie ?
Isabelle : Je suis directrice juridique à Toulouse pour Veolia Eau. L'année dernière ma collaboratrice Laure, a eu un cancer du sein. Et là, bêtement, et tout d'un coup, j'ai compris ce qu'était vraiment, être malade en entreprise.
Laure : Je suis Laure, j'ai 49 ans, 1 fille de 20 ans, et je travaille chez Veolia depuis 26 ans. J'ai eu un cancer du sein en 2021.
Laure, comment s’est passée l’annonce de votre maladie dans votre entreprise ?
L : J'ai informé Isabelle tout de suite de la situation avant même d'avoir un diagnostic précis.
Et vous Isabelle, comment avez-vous réagi face à l’annonce du cancer de votre collaboratrice ?
I : Laure a choisi de partager avec nous ce qui lui arrivait. Grâce à cette confiance, nous nous sommes mobilisés immédiatement, dans l'équipe, pour l’accompagner.
Laure, avez-vous été absente pour vous soigner ?
L : Oui, j'ai été absente au total 7 mois. J'ai été opéré le 31 mai 2021, lors de cette opération, on m'a fait une pamectomie. Le 6 juillet, j'ai commencé le traitement par de la chimiothérapie jusqu'en novembre 2021 puis de la radiothérapie qui s'est terminée le 31 décembre 2021.
Laure, comment votre entreprise vous a-t-elle accompagnée durant cette période ? Et comment cette période s’est-elle passée ?
L : J'ai toujours gardé le lien avec l'entreprise. Régulièrement, je passais voir mes collègues au bureau et Isabelle me donnait des nouvelles du service.
Nous avions aussi beaucoup parlé ensemble de la réorganisation durant mon absence. Isabelle a été présente à toutes les étapes de la maladie, de la phase du diagnostic à la reprise du travail. Pour moi, il était important de ne pas couper complètement avec le travail.
J'ai aussi reçu beaucoup de messages de collègues qui m'ont apporté leur soutien. Cette période a été la plus simple pour moi sans grosse difficulté.
Laure, vous avez ensuite repris le travail. Comment cela s’est passé ?
L : J'ai repris le travail le 2 janvier 2022 en mi-temps thérapeutique jusqu'à fin mars 2022 puis à temps complet. J'ai rencontré des difficultés quelques mois après ma reprise. Nous n'avions pas anticipé les effets secondaires du traitement. Isabelle a été d'un grand soutien car elle n'a jamais douté de mon investissement professionnel. Ensemble on a cherché à comprendre la situation et on a mis en place des choses qui ont soulagé mon quotidien.
Après l'annonce à ma famille, cette période a été la plus compliquée à gérer. On se retrouve face à des difficultés telles que la perte de mémoire nous faisant douter de nos compétences et de notre potentiel retour à la normale. Clairement, je me suis posée la question de : Que se passera-t-il si je reste comme ça ?
Et vous Isabelle, comment s'est passée la période d'absence et le retour au travail de Laure ? Comment l'avez-vous accompagné en tant que manager ?
I : Laure a toujours maintenu le lien pendant son arrêt. Nous avions réfléchi ensemble à la réorganisation du service en son absence. L'associer à cette réflexion l'a rassuré sur sa place au sein du service, je crois. La phase de retour est capitale. Nous avons beaucoup échangé. Dès son retour, nous avons voulu faire de cette expérience un projet d'entreprise qui pourrait aider les managers à accompagner leurs collaborateurs malades. Nous sommes très fières de déployer aujourd'hui sur notre région un guide rédigé avec des collègues et des médecins pour aider l'accompagnement.
Que vous a-t-il manqué ? Qu’est-ce qui aurait pu vous aider ?
L : Il ne m'a rien manqué. Vraiment, j'ai été aidé au mieux par Isabelle et par l'entreprise. Il m'aurait été difficile de ne pas retravailler de suite. C'était nécessaire pour moi malgré les difficultés que l'on a rencontrées si c'était à refaire, je pense que je procéderais de la même manière.
I : Je n'identifie rien de manquant mais je crois que nous nous sommes trop précipités pour la reprise. Malgré le mi temps thérapeutique mis en place : nous avons voulu aller trop vite. Certainement pour mettre tout cela derrière nous... Avec l'expérience, je crois qu'il faut vraiment se donner du temps, et comprendre que les effets secondaires peuvent durer bien après le retour au travail.
Selon vous, quel(s) intérêt(s) pour les entreprises à mieux concilier cancers, maladies et travail ?
L : Je pense qu’on retrouve un intérêt aux différents moments de la maladie. Dans la phase de diagnostic, en parler permet d'avoir une vision sur la gestion de l'absence du collaborateur : Qui va gérer ses tâches ? Comment répartir le travail vers les autres collaborateurs sans trop les surcharger ? et pour la salarié c'est rassurant de savoir que votre travail quotidien va être fait.
Dans la phase de traitement, cela permet de maintenir le collaborateur en phase avec les évolutions et les changements de l'entreprise ce qui anticipe un éventuel retour moins brutal pour le salarié. Dans la phase reprise du travail, par exemple, la mise en place d’un aménagement d’horaire permet de mieux gérer les effets secondaires et de ne pas mettre le collaborateur malade davantage en difficulté tout en préservant l'équilibre de l'équipe de travail.
I : L'intérêt est majeur. Le nombre de diagnostics explose, notamment dû à un meilleur dépistage. Le cancer dans l'entreprise est une réalité, mais c'est encore tellement tabou.
Or, l'entreprise a un vrai levier pour accompagner ses salariés malades, insuffler des valeurs de coopération, un lien repensé à la performance, et à l'inclusion de collaborateurs atteints de maladie. Les qualités de résilience et de rebond qu'ont acquis les collaborateurs qui retrouvent le chemin de l'entreprise après un cancer sont autant d'exemples inspirants pour tous.
Selon vous, comment peut-on améliorer l’accompagnement des personnes malades en entreprise ?
L : Le mot cancer reste aujourd'hui encore TABOU. Quand on prononce ce mot, on l'associe à la mort ce qui met mal à l'aise les personnes, les collègues, mais aussi les managers.
Pour ma part, je pense qu'il faut en parler, il faut dire aux salariés de l'entreprise (que l'on soit manager ou non) que de nombreuses choses peuvent être mises en place et ainsi ouvrir la discussion.
I : Pour améliorer l'accompagnement, il faut libérer la parole autour de ces sujets, créer des discussions entre managers, membres de l'équipe, RH, médecins de travail. Pour faire simple : En parler, ne pas avoir peur en respectant les limites de chacun.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
I : La phase de retour nécessite de prendre le temps. Le collaborateur malade qui revient n'est plus «comme avant » et ce n'est pas forcément négatif. La perspective d'une reprise professionnelle est un outil d'accompagnement thérapeutique, et permet aux entreprises d'investir dans des valeurs de résilience et de responsabilité sociétale. Je souhaite passer un message d'espoir, à tous. La science avance, le dépistage sauve des vies. En accompagnant ses collaborateurs, les entreprises, les managers peuvent contribuer à la lutte et offrir des perspectives aux salariés malades. Cette expérience a changé ma vie de manager.
L : Je garde encore aujourd'hui (après 18 mois) des moments de remise en question. Il m'arrive de douter de mes compétences cognitives et de ma capacité à continuer à apprendre. La maladie change le regard que l'on a sur nous-même car on n'est plus jamais pareil, cela ne veut pas dire que l'on est moins bon mais que l'on réagit et fonctionne différemment. L'entreprise doit s'adapter à ce changement donc plus on anticipe mieux cela sera géré, vécu.
Ma conclusion est la suivante : PARLONS EN SANS TABOU !
Merci Laure et Isabelle pour votre témoignage !
Vous êtes patient ? aidant ? manager ? professionnel des ressources humaines ? représentant du personnel ? référent handicap ? Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).
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