Chaque année, plus de 400 000 personnes sont touchées par un cancer et 40% sont en emploi. Pour certaines personnes touchées, la question de poursuivre son activité professionnelle pendant le traitement devient leur quotidien, soulevant des défis complexes tant sur le plan émotionnel que professionnel.
Le parcours de la maladie, et notamment du cancer, est une expérience personnelle où chaque pas est une victoire et chaque défi peut être une montagne à gravir. Pourtant, au cœur de ce combat se dessine un autre récit souvent méconnu, celui de la décision de concilier parcours de soin et activité professionnelle.
Dans une étude réalisée par Calista entre Mars et Novembre 2012, 31 % des femmes touchées par un cancer du sein ont réussi à continuer leur activité professionnelle sans arrêt de travail depuis le début de leurs traitements.
Pour Laurie :
« Je suis forte et costaude mais si on m’avait sorti du monde du travail, j’aurais été vraiment déstabilisé et je n’aurais pas supporté d’être désociabilisée. »
Laurie, journaliste sportive, a été diagnostiquée avec un cancer du sein et a choisi de continuer à travailler. Elle nous livre son parcours inspirant de la maladie, et nous partage ses réflexions sur l’importance du travail et du suivi psychologique.
Nous sommes donc ravis de partager ici son témoignage.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre expérience de vie de la maladie en quelques mots ?
Je m’appelle Laurie Delhostal. Je suis journaliste dans le sport à la télévision et à la radio depuis de nombreuses années. Je suis indépendante embauchée à la saison dans différents médias. J’ai donc plusieurs employeurs.
Je suis également présidente et cofondatrice de l’association Femmes Journalistes de Sport et vice-présidente de l’Union des journalistes de sport en France. Je suis donc assez impliquée dans mon métier.
Il y a un an, j’ai été diagnostiquée d’un cancer du sein, lors d’un contrôle de routine. Je suis passée par la chimiothérapie et la chirurgie. Actuellement, je suis encore soignée avec de l’hormonothérapie et de l'immunothérapie.
Comment conciliez-vous votre maladie et votre travail ?
Au début, je ne me rendais pas bien compte de ce qu'il allait être possible de faire mais rapidement, je n’ai pas envisagé d'arrêter de travailler. Mon oncologue m’avait dit que tout était possible. Je ne savais donc pas vraiment à quelle sauce j’allais être mangée mais je savais que j'avais envie d'ouvrir le champ des possibles et d'écouter ce que j'avais envie de faire. Mais bien sûr, chacun est différent, chaque cancer est différent et chacun a sa façon de réagir au traitement.
Pour moi, ce qui était important, c’était la confiance de mes employeurs. Je leur ai annoncé très rapidement mon cancer. Si je voulais continuer à travailler, il fallait que je sois transparente. Leur soutien a été très important pendant la maladie et dans mon cheminement. Je suis forte et costaude mais si on m’avait exclue du monde du travail, j’aurais été vraiment déstabilisée et je n’aurais pas supporté d’être désociabilisée.
Avec l’un de mes employeurs, j’ai souhaité arrêter de travailler un petit moment parce que l’émission à laquelle je participais était dans une ambiance très rigolote et je ne m’en sentais pas capable au début. On m’avait également annoncé que j’allais perdre mes cheveux rapidement et cela m’a fait peur. Cet employeur m’a envoyé un bouquet de fleurs dès le lendemain avec un petit mot qui m’émeut encore aujourd’hui : « Ta place t'attend, on a hâte de te retrouver ».
Outre cette émission, j’avais encore beaucoup de travail à côté, notamment pour Radio France. Ils ont été énormément dans l'empathie, et ils m'ont dit « tu fais comme tu veux et nous on est très content si tu continues à travailler, même du jour au lendemain, si tu ne le sens pas, tu nous le dis ».
J’ai eu le soutien et la confiance de mes employeurs. Quand j’arrivais au travail, il y a eu des moments où j'étais vraiment mal, notamment à cause des nausées de la chimiothérapie mais le travail me permettait d'arrêter d'y penser et cela me faisait beaucoup de bien. Les personnes ne me considéraient plus comme une malade, ça me faisait beaucoup de bien de sortir de ce statut.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Qu'est-ce qui vous a aidé ?
Je travaille le week-end et cela a été très avantageux pendant la maladie. En effet, se soigner prend énormément de temps : plusieurs jours par semaine pendant la chimiothérapie et chaque jour pendant la radiothérapie. Ce facteur temps pose vraiment problème. On se retrouve avec un planning très chargé. Les horaires décalés, m’ont donc permis de tout combiner, même si le rythme devenait compliqué à la fin de la radiothérapie.
Pour tenir 3h d'émission, il fallait être en forme. J’ai donc fait pas mal de sport et d'activité physique. C’était un objectif personnel, sans pression des autres, la seule pression qui m'a été imposée était la mienne.
Le travail m’a finalement aidée psychologiquement, avec j’en ai conscience, un environnement de travail qui a beaucoup facilité les choses.
Selon vous, comment peut-on améliorer l’accompagnement des personnes touchées par un cancer du sein en entreprise ?
Dans un premier temps, en parler davantage et montrer d'autres histoires possibles. J'avais l'impression que le champ des possibles n'était pas ouvert et c'est vraiment mon oncologue qui m’a dit que tout était possible, notamment sur la question du sport et du travail, qui étaient 2 enjeux importants pour moi.
Le message que j'ai envie de faire passer : tout est possible !
Enfin, pour l’amélioration de l'accueil des gens au travail, laissons-leur le choix de travailler et libérons-leur du temps, surtout pour les collaborateurs avec des horaires traditionnels. L'entreprise se doit de garder ces personnes dans l'entreprise et de les aider à continuer à travailler, s’ils en ont envie et s’ils le peuvent.
Si vous aviez 1 conseil ou bonne pratique à partager :
avec une personne touchée par un cancer du sein au travail ?
Mon premier conseil serait de se faire confiance et de se faire aider au maximum par son conjoint, sa famille, des organismes externes si possible (pour le ménage par exemple), car la charge mentale est importante.
Et mon deuxième conseil, un suivi psychologique est vraiment important ! Il est proposé dans tous les services de cancérologie. Cet accompagnement peut faire peur à beaucoup de personnes, mais ce sont des psychologues où l’on parle que du cancer, on ne remonte pas dans la petite enfance. Ce suivi permet d'exprimer et de clarifier des questions que l’on peut se poser pendant la maladie, comme par exemple, est-ce que j’ai envie de continuer à travailler ?
le manager d'une personne concernée ?
Ne pas avoir peur, soutenir cette personne et à un moment donné, de ne plus parler comme si cette personne était malade. J’ai beaucoup apprécié l’attitude de mes collègues et de mes managers, notamment à Radio France. On me demandait « ça va » et cela voulait dire « est-ce que tu es en forme ? » et je répondais « oui » et on passait à autre chose. C’était important pour moi qu’on me considère comme une journaliste et pas juste comme une personne malade.
Vous devez donc montrer que vous êtes capable d’écouter et que s’il y a un problème, vous êtes présent pour votre collaborateur. Cependant si tout va bien, on peut passer à autre chose, parce que vous le considérez avant tout comme un salarié et pas uniquement une personne malade. Les managers ont vraiment un grand rôle à jouer. Il y a tellement de personnes malades, qui ont des handicaps invisibles ou non. C’est un réel enjeu.
un employeur pour favoriser l'inclusion des personnes concernées ?
Rendre les choses possibles, permettre à un collaborateur qui souhaite continuer à travailler tout en se soignant, car c'est une responsabilité de l'entreprise. Un collaborateur, sans trop s'attarder sur les émotions, est quelqu'un qui fait partie de la famille. Il peut être malade, mais il pourrait ne plus l'être à un moment donné. En outre, du point de vue financier, je pense qu’il est bénéfique pour l'entreprise si le salarié peut maintenir son activité. Enfin, pour une entreprise, il est avantageux de gagner un peu en souplesse.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Un ami m’a dit au début de mon cancer : « Dans mon entreprise, les gens disparaissaient du jour au lendemain et on ne les revoit qu’ un an plus tard ». C'est dur pour tout le monde :
pour ceux qui restent, parce que c’est bizarre de voir un collègue qui disparaît du jour au lendemain
pour le salarié en question, qui se retrouve coupé de tout pendant des mois.
Enfin, je pense qu’on peut vraiment inventer un nouveau modèle dans lequel concilier maladie et travail est possible ! La psychologue de l'hôpital m'a dit que c'est beaucoup plus dur psychologiquement une fois que l’on est soigné, parce que pendant les traitements on est dans l’action. La plus grande difficulté survient après, lors du retour à la vie normale, au travail, etc. Dans mon cas, comme je n’ai pas coupé avec ma vie professionnelle, je n’ai pas eu ce travail à faire.
Merci Laurie pour votre témoignage.
Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).
Source chiffres : Inca « Vivre et travailler avec un cancer », 18/11/2022 [consulté le 22 novembre 2023]
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